Je suis convaincu que la finance durable peut bouleverser les façons de faire actuelles et contribuer au financement de vrais projets en faveur d’une transition bas-carbone.

Le beau métier de William
Pour ma première interview, j’ai eu la chance de rencontrer William.
Il dirait que la chance se provoque, et qu’elle sourit aux audacieux. Mais j’ai véritablement été chanceuse de discuter avec lui, car sa bienveillance et son implication m’ont beaucoup aidé à réaliser cet article !
Diplômé d’un master en finance en 2019, William a trouvé son métier au service d’une cause qui lui tient particulièrement à cœur : rediriger les flux financiers vers des projets qui ont du sens, pour la planète comme pour le bien-être social.
Aujourd’hui, William travaille dans la finance durable après avoir réalisé un mémoire sur les obligations vertes (“green bonds”). C’est ce qui lui a permis de trouver son Beau Métier en tant que chargé de produits durables (“sustainable product manager”) dans la startup Onbrane.
Mais qu’est-ce que la finance durable me direz-vous ? C’est aussi ce que je me suis demandé.
William, avant de parler de ton métier, je pense qu’un petit cours d’introduction sur la finance durable s’impose. Qu’est-ce que c’est et pourquoi est-ce important ?
Aujourd’hui, l’urgence climatique est bien réelle. La température globale de la planète a déjà augmenté de plus d’1.2°C (depuis le début de l’ère pré-industrielle), et les catastrophes sont de plus en plus nombreuses et fréquentes (incendies, canicules, inondations, extinctions d’espères, pollutions, etc.)
Tous les domaines de nos vies sont et seront touchés par ces changements. C’est pourquoi les pays se sont engagés lors de la COP21 à Paris en 2015 à rediriger les flux financiers vers des activités qui permettent de réduire et de s’adapter aux effets du changement climatique.
Le secteur financier a donc un rôle majeur à jouer pour notre futur, en contribuant à réorienter les financements vers une transition plus durable, juste et inclusive. Sans financements, les projets ne pourront pas voir le jour. Et surtout, il sera impossible de sortir à temps des énergies fossiles et d’éviter de dépasser les 2°C de réchauffement !
Les marchés financiers prennent de plus en plus conscience de la gravité des enjeux. C’est ce que traduit notamment l’explosion des green bonds depuis 2014.
Un green bond est un instrument de dette permettant de financer des projets qui démontrent un impact environnemental positif.
En bref : si nous voulons agir, et avoir un impact sur l’environnement à grande échelle, il faut réorienter rapidement les flux financiers vers des projets plus soucieux de l’environnement.
Depuis quelques mois, tu travailles en tant que « Sustainability Analyst » pour Onbrane. Explique-nous tout, que fais-tu exactement ?
Je suis arrivé chez Onbrane, grâce à Linkedin. J’avais posté un article sur mon mémoire portant sur les green bonds, qui a eu un beau succès (+ de 12,000 vues). J’ai été contacté par un ancien de mon école, s’intéressant à ce sujet. Il m’a présenté à son fondateur, qui m’a proposé ce Beau Métier, impensable il y a un an.
J’ai donc rejoint Onbrane en avril 2020. Il s’agit d’une Fintech qui développe un service de plateforme en ligne connectant tous les acteurs du marché de la dette pour simplifier tous les processus d’émission et de négociation d’une dette.
Mon rôle : Créer un module sur la plateforme pour simplifier les émissions de green bonds pour toutes les entreprises.
Concrètement, mon job est composé de deux types de missions :
- Gestion de produit: Un produit doit répondre à un ou plusieurs besoins. Cela implique de connaitre son marché (dans mon cas, la finance durable) et d’échanger avec les différents acteurs sur leurs difficultés et les solutions qui pourraient les aider.
Mes interlocuteurs sont les directions financières des entreprises et institutions publiques françaises et européennes, ainsi que les équipes durabilité dans les banques et investisseurs. Je cherche à comprendre leur processus pour financer leurs projets et les difficultés qu’ils rencontrent pour émettre de la dette durable. Il faut savoir que la gestion documentaire est conséquente et que la publication de rapports réguliers sur les impacts des projets est lourde.
- Développement commercial : cela consiste à démarcher des nouveaux clients potentiels, de convaincre des utilisateurs de la plateforme d’utiliser le module sur la finance durable.
Quels sont les impacts que tu peux avoir dans ton métier, qu’est-ce qui te rend fier ?
Je suis fier de savoir que de nombreux acteurs de la finance voient dans mon module, un projet utile et intéressant pour eux. Je reçois beaucoup de questions, et je viens de lancer un blog pour expliquer les solutions que j’apporte. Cela me donne l’impression que je vais dans la bonne direction et qu’il répond à un vrai besoin.
Je suis pour l’instant le seul à développer ce module de finance durable au sein de ma startup, mais cela va sûrement changer. J’espère voir le projet prendre de l’ampleur dans les années à venir !
Comment es-tu tombé dans la marmite de la Finance Durable? Si je ne me trompe pas, au début ton cœur balançait entre les spéculoos et les maths.
Exactement. Plus jeune je disais que je voulais être « Banker » ou « Baker ». Au moment du choix de mes études post-bac, j’ai finalement choisi de faire l’IESEG et dès ma première année j’ai été très rapidement intéressé par une association, la Junior-Entreprise. C’est un cabinet de conseil géré uniquement par les étudiants de l’école et au sein de l’association, je faisais partie du pôle audit afin d’assurer la qualité des processus et des documents remis aux clients.
Je recommande vraiment à tous les étudiants, peu importe leur cursus, de rejoindre la Junior-Entreprise de leur école. C’est ce réseau (avec plus de 180 structures dans toute France !) qui m’a permis de développer mon esprit entrepreneurial et de forger des relations d’amitiés fortes.
Au fil de mes 5 années d’étude, j’ai réalisé plusieurs stages en audit et en conseil. C’est mon stage dans une toute petite start-up, Les Petits Bidons qui m’a fait prendre conscience de l’importance du sens dans mon métier.
William, je sais que tu es quelqu’un qui a constamment pleins de projets et qui s’investi pour changer les choses. Que fais-tu en dehors du travail ? Il me semble que tu portes le message de l’importance de la finance durable au-delà de ton métier.
Oui, depuis 2015, je suis engagé dans la sensibilisation des jeunes au développement durable. J’avais à l’époque créé la première association “écolo” de l’IESEG, les “éco-Lillois” ! Avec quelques amis, nous animions des ateliers avec des classes de primaire sur des sujets environnementaux.
L’été dernier, j’ai rejoint une autre association : Les Jeunes Ambassadeurs pour le Climat. La mission est de sensibiliser les jeunes aux enjeux et conséquences du changement climatique, à travers une expérience des négociations internationales sur le climat et sur la biodiversité ainsi que des conférences.
Je réalise ce mois-ci mon premier “JAC-Talk” (sur le modèle des TED-Talks, par et pour des jeunes) sur le sujet de la finance durable ! Je suis également trésorier de l’association, et je contribue à plusieurs projets comme la création d’une identité visuelle et d’un nouveau site pour JAC. C’est pour moi des manières concrètes de m’engager utilement, à partir de mes compétences !
Les bons conseils de William pour réussir en Finance Durable (et dans la vie aussi) :
- Être curieux tout d’abord : je me suis forgé ma propre connaissance sur le sujet et cela m’a permis de trouver mon Beau Métier. N’ayez pas peur de poser des questions et de creuser les sujets qui vous intéressent.
- Être force de persuasion : le milieu de la finance n’est pas des plus tendres et il est important de ne pas se laisser influencer. De plus, la finance durable est encore très “jeune” dans ce monde-là, et il faut savoir convaincre de ses avantages pour que le plus grand nombre puisse s’en emparer.
- Persévérer dans une direction : c’est en se concentrant sur les choses importantes que vous en retirez le plus pour votre vie.
« You can’t connect the dots looking forward; you can only connect them looking backwards. »
Steve Jobs
Un parcours cohérent se construit avec du temps, à travers ses expériences, échecs comme réussites.
- Avoir confiance en soi : votre seul ennemi est vous-même. Il faut connaître ses forces et faiblesses afin de pouvoir sortir de sa zone de confort. Il est important de renforcer sa capacité d’adaptation face aux événements.
Cet engagement dans mon métier m’a aussi fait repenser mon quotidien, même si je pense que le changement doit se produire à toutes les échelles, et pas seulement dans l’action individuelle. J’ai changé mes habitudes de consommation, mon mode de déplacement, etc…
Mon rêve le plus fou : faire un tour du monde zéro émissions en vélo, en grimpant les plus belles montagnes !