Métier – Enseignante dans un ITEP

Lorsque je suis devant ma classe, les interactions, les progressions que je peux observer, me donnent vraiment l’impression d’avoir un rôle dans la vie de ces jeunes.

Le beau métier de Viktoria

Certaines personnes vous marquent plus que d’autres. Elles nous inspirent, par leurs personnalités ou leurs actions.

Viktoria est une de ces personnes.

En sortant d’école de commerce, Viktoria savait que ses études n’étaient pas faites pour elles. Elle est allée au bout et a commencé à travailler dans une boîte pleine de sens, à vocation sociale, qui lui plaisait.
Seulement, voilà, ce qu’il lui manquait concrètement, c’était d’être au contact de personnes, et d’avoir du lien.

Au fond d’elle, elle savait que si elle devait contribuer quelque part dans le monde, elle le ferait via l’éducation. Aujourd’hui, elle est animée par une mission intrasèque : former les jeunes d’aujourd’hui qui seront les adultes de demain.

Vikki est enseignante dans un ITEP : Institut thérapeutique éducatif et pédagogique, pour des jeunes déscolarisés pour violences physiques et verbales. Son but : leurs redonner le goût à la vie, insister sur le savoir être et le respect.

Elle n’a qu’une idée en tête : innover dans l’éducation, apporter de nouvelles façons de penser pour que les enseignants puissent aller au-delà du simple fait d’instruire.

Viktoria, tout le monde t’appelle Vikki, raconte-nous un peu ton parcours qui t’a mené au métier que tu fais aujourd’hui ?

Je crois que nous pouvons dire que mon parcours est atypique !

Je suis née en Suède puis comme mes parents étaient expatriés, j’ai pas mal déménagé. J’ai vécu une grosse partie de mon enfance aux US puis j’ai passé le BAC en Chine, et je suis aussi partie en Inde et au Pérou.

Après mes études de commerce, j’ai réalisé un tour de France des entrepreneurs sociaux en vélo. J’ai rencontré la start-up « Vendredi », qui m’a plu et j’y suis restée 1 an et demi.

J’étais dans une boite qui avait du sens, mais je me suis posé la question de l’utilité de ce que je faisais. Quelque chose me manquait.

J’ai vite compris que la vie de bureau n’était pas ce qui m’épanouissait. Ce que je voulais, concrètement, c’était être au contact des personnes, et avoir du lien.

J’ai donc commencé à m’intéresser à l’éducation.

L’éducation est la racine de tout. Elle joue un rôle tellement important dans la formation des enfants qui feront les adultes de demain.

Je me suis souvenue qu’il y avait beaucoup de choses d’autres cultures que nous pourrions apporter au système éducatif français.  

J’ai naturellement eu envie de partir découvrir le Canada. C’est un pays tellement bienveillant et ouvert. Je savais que je pourrais puiser énormément d’exemples et de ressources là-bas. J’ai donc postulé à un PVT (Permis Vacances Travail). Et une semaine plus tard j’étais acceptée ! Tout est allé très vite, je pensais avoir le temps de plus mûrir mon projet et de bien terminer mon poste chez Vendredi. Ce ne fût pas une décision facile de partir si vite.

Par où as-tu commencé pour te reconvertir dans l’éducation ? Je suppose que ce n’est pas si évident de trouver les meilleures passerelles pour se lancer, lorsqu’on sort d’une école de commerce et d’une entreprise.

Je ne regrette pas du tout d’avoir fait Commerce. Cela m’a donné une compréhension du monde qui est hyper intéressante.

Mais mon rêve d’enfance de devenir institutrice revenait à chaque fois. Me reconvertir dans l’éducation a été comme une évidence.

J’avais ce besoin de prendre une décision par moi-même et de me lancer concrètement dans un nouveau projet en lien avec l’éducation.

J’ai donc commencé mon parcours au Canada, sans aucune formation en poche. J’ai travaillé dans une crèche Montessori puis dans une école dans un HLM.
Je vivais chaque expérience à fond, pour découvrir au maximum tout ce qui se faisait en matière d’éducation au Québec.

Et en rentrant en France, j’ai intégré Ticket for Change avec une idée bien en tête : créer un media de solutions dans l’éducation.

Un média de solutions dans l’éducation, quel beau projet ! Raconte-nous ce que vous souhaitez faire ?

Avec une amie, nous sommes parties du constat que la société évolue très vite. Tout le monde n’a pas le même accès à l’éducation et les enseignants peuvent être confrontés à tant de problématiques différentes.

Tous les enseignants sont chacun entre 4 murs, mais les idées restent au sein de la classe. Nous avons vraiment envie de recréer du lien, une communauté et de l’inspiration entre les instituteurs. Il y a beaucoup de sites disponibles, mais nous voulons créer un magazine pour rassembler toutes les meilleures pratiques au même endroit.

Notre objectif : amener les choses différemment, montrer qu’il existe d’autres façons d’instruire, d’apprendre.

Je suis convaincue qu’aujourd’hui il y a peut-être des matières qui n’existent pas encore à l’école et qui pourraient servir dans la vie quotidienne (par exemple, faire un potager, bricoler, recycler…).

Notre idée est de repenser ce qui est enseigner, pour que nous puissions transmettre aux jeunes les choses essentielles dont ils ont besoin pour bien vivre en société.

Pour pouvoir lancer ce média, tu testes plusieurs métiers dans l’éducation. Peux-tu nous parler de ton métier d’enseignante dans un ITEP ?

En rentrant du Canada, j’ai travaillé pour Ticket For Change, avec un projet dans l’éducation et en parallèle je m’étais inscrite en candidate libre pour le concours d’enseignante. Je souhaitais partir à Nantes et je n’ai pas eu le concours dans cette ville finalement.

J’étais forcément déçue, mais cela m’a conforté dans l’idée que je voulais être devant une classe, avoir des interactions avec les élèves et sentir que je peux les aider dans leurs vies.

J’ai donc réussi à intégrer un ITEP, en postulant via l’association.

Un ITEP est une structure qui offre aux jeunes déscolarisés, pour violences physiques et verbales, la chance de reprendre confiance en la vie et de les réinsérer dans la société via une éducation qui passe par le savoir-être et le respect.

Aujourd’hui, j’enseigne à une classe de 12 élèves entre 11 et 14 ans. Ces jeunes ont tous un passé très difficile. Certains ne savent pas lire, j’ai donc des enfants avec des personnalités et des niveaux différents. Mon quotidien consiste donc à leurs enseigner des matières classiques, en adaptant la méthode d’apprentissage pour les intéresser au maximum.

Mon but est de réussir à leurs redonner de l’attention, pour qu’ils retrouvent espoir en la vie.

Par exemple, je fais des mathématiques en cuisinant, de la géographie avec des quizz ou encore des sciences en faisant des petites expériences.  

J’adore cette liberté que j’ai de pouvoir innover dans la gestion de la classe et des élèves.

Je suis très inspirée par des méthodes anglophones, comme celle du positivisme, de ne jamais prendre un enfant en échec. Aux Etats Unis, ils ont également des salles de classe hyper colorées, qui permettent aux élèves de se sentir à l’aise et donc de mettre de la joie.

Quelles sont les difficultés que tu peux rencontrer dans ce métier ?

Je ne m’attendais pas à ce genre de public, et je n’avais jamais vécu cela avant. La gestion de la violence, des gros mots peut effrayer. Mais j’apprends sur le terrain.  

J’essaie d’instaurer le respect dans la classe, savoir dire bonjour, s’assoir sagement. Ce ne sont pas toujours des choses faciles. Les élèves s’influencent les uns les autres. Il faut alors savoir gérer individuellement chaque élève.

Je trouve que cette force et persévérance que tu as sont une vraie source d’inspiration. Qu’est-ce que cela te procure de faire ce métier ? Quels sont tes impacts ?

Mon métier m’apporte deux choses :

  1. Aider ces jeunes à construire leurs futurs

Lorsque je suis devant ma classe, les interactions, les progressions que je peux observer, me donnent vraiment l’impression d’avoir un rôle dans la vie de ces jeunes.

Ils ont subi tellement de choses difficiles, que tu ne peux pas leurs en vouloir. Quand je lis leurs dossiers, c’est ça qui me motive et me donne la force !

J’essaie de valoriser chacun d’eux et de construire une relation positive avec eux.

Par exemple, je prends beaucoup de temps pour accompagner chaque jeune dans son projet métier. Je fais des recherches avec eux, les aide aux inscriptions, à rencontrer des professionnels. Ca leurs donne un objectif concret et si à la fin de l’année j’ai réussi à les inscrire, j’ai tout gagné, car j’ai contribué à construire leur futur !

2. Innover, tester de nouvelles méthodes d’enseignements

J’adore être libre d’agencer ma classe comme je le souhaite, d’aborder les matières de façon différentes. Ca me permet de tester pleins de choses et de voir ensuite si cela sera applicable sur des classes de plus grands effectifs.

Toutes les expériences que je fais aujourd’hui, j’aimerais les partager pour que toutes les idées puissent servir au plus grand nombre !

As-tu un exemple d’un moment qui t’as particulièrement touché ?

Toutes les petites choses que j’arrive à changer dans leurs comportements sont des petites victoires.
Je teste, j’échoue, j’apprends et je recommence. Il faut persévérer !

Par exemple, vendredi, j’ai voulu prendre le temps de faire une lettre pour chacun d’entre eux, afin de leurs dire ce dont j’étais fière. C’est le seul moment où j’ai eu 2 minutes de silence dans la classe. Certains sont partis souriants, d’autres m’ont remercié. Mon objectif est de réussir à faire perdurer ces attitudes.

Les bons conseils de Vikki pour réussir en tant qu’enseignante dans un ITEP :

  • Être patient, c’est la qualité numéro 1 !
    • Persévérer, ne jamais abandonner. Nous avons un impact sur la vie de ces jeunes, et les voir réussir est très touchant.
    • Être attentionné, empathique et compréhensif.
    • Être flexible
    • Savoir s’adapter, et innover

Être enseignante est un véritable métier passion.

Je ne fais pas ce métier pour l’argent, mais parce que j’ai réellement envie d’avoir un impact sur la vie des jeunes que je rencontre. Je suis heureuse d’être sur le terrain, et de voir mes élèves grandir et évoluer. J’ai enfin trouvé ma vocation et je ne suis pas prête de changer 🙂 !