« 30 roses importées produisent autant de CO2 qu’un Paris-Londres en avion* »
Aviez-vous déjà pensé à l’origine de nos bouquets de fleurs ? Plus de 85% des fleurs vendues en France proviennent de l’étranger. Produites de manière massive dans des serres et importées depuis la Hollande, l’Equateur ou encore le Kenya, ce commerce de la fleur a un impact néfaste pour l’environnement et l’économie locale !
Et pourtant, les fleurs sont de véritables compagnons de vie. Le plaisir d’offrir, de les cultiver et de les exposer, apportent des touches de couleurs dans nos quotidiens et combattent la morosité.
J’ai rencontré Hélène Taquet, agricultrice et co-fondatrice de Pop Fleurs et du Collectif de la Fleur Française. Cette horticultrice pleine d’idées, cultive l’envie de partager son amour pour les fleurs de notre pays et ainsi mettre en lumière les fermes de nos régions et leur travail.
Ancienne journaliste, paysagiste, Hélène revêt plusieurs casquettes, celles d’agricultrice, horticultrice et d’entrepreneur. Elle est animée par l’envie d’éveiller les consciences collectives sur les enjeux économiques et environnementaux liés au commerce des fleurs.

Découvrez son combat et ses missions dans ce beau portrait de métier qui met en valeur notre art de vivre à la française !
Hélène, raconte-nous, quelles sont les études que tu as suivies ?
Je baigne dans le monde agricole depuis toute petite. Mes grands-parents cultivaient déjà des fleurs dans leur ferme à Blécourt. C’est de là qu’est née ma passion.
Pourtant, j’ai eu un parcours scolaire totalement différent de ce milieu. J’ai commencé par des études en droit de l’immobilier. J’ai tout d’abord été courtière en immobilier et ensuite journaliste dans ce domaine.
Puis en 2003, j’ai eu envie de quitter les bureaux pour retrouver mes racines et être plus présente pour ma famille.
J’ai donc réintégré les bancs de l’école et me suis lancée dans une formation continue à l’école du Paysage de Versailles et en parallèle dans un BPREA grande culture (Brevet Professionnel Responsable Exploitation Agricole) par correspondance.

J’avais en tête de reprendre la ferme familiale de Blécourt, qui est toujours passée de mains en mains dans la famille. A la base, cette ferme est spécialisée en polyculture, colza, blé et pomme de terre. Mais en 2011, j’ai eu l’idée de la diversifier dans la production de fleurs.
Comment t’est venu cet amour pour les fleurs ?
L’école m’a donné une impulsion et j’ai eu envie de cultiver cette passion naissante.
Quand j’étais paysagiste, j’étais abonnée au magazine Garden Illustrate. J’ai lu un article sur une femme qui lançait une ferme florale. Cela m’a amusé et je suis allée la voir !
Je me suis ensuite renseignée sur ce secteur, j’ai beaucoup lu et puis j’ai eu l’idée de créer des ateliers de bouquets en entreprises.

En 2011, je crée donc Pop Fleurs et cultive des fleurs pour des activités comme des créations de bars à fleurs, de vitrines dans des magasins comme les Galeries Lafayette. J’avais beaucoup de travail et mes productions de fleurs n’étaient pas suffisantes pour subvenir aux besoins des ateliers. Je complétais donc avec des producteurs de Rungis. Et c’est comme ça que j’ai découvert l’hécatombe du milieu horticole. Je n’arrivais pas à trouver des producteurs de fleurs locales. Ça a été le déclic!
En 2017, tu crées le Collectif de la Fleur Française, d’où cela vient-il ?
Il y a quelques années, j’avais passé un séjour en Angleterre avec des jeunes filles qui donnaient des cours de bouquets. J’y ai découvert le Slow Flower, un mouvement qui encourage une consommation florale locale, de saison et équitable.
Inspirée par ce courant, je décide de créer le Collectif de la Fleur Française en 2017. Ce collectif c’est mon combat pour soutenir l’agroécologie, nos savoir-faire, et revenir à nos terres françaises horticoles, et ainsi aider l’économie locale.

En quoi consiste ce Collectif de la Fleur Française ?
Nous avons mis en place un réseau de plus de 220 horticulteurs, fleuristes, grossistes, décorateurs responsables, et nous échangeons régulièrement autour de la fleur française, des pratiques horticoles, du recyclage, etc. Nous réalisons des outils pour communiquer comme un annuaire, un calendrier des fleurs, des événements, etc.
Le projet a vite connu un bel engouement. Nous étions une vingtaine au début, puis les journalistes se sont intéressés au projet et ça a fait effet boule de neige.
Comment définirais-tu les missions qui constituent ton métier aujourd’hui ?
Mon quotidien est rythmé par la culture des fleurs et l’animation de mes différents projets !
- Je cultive : j’adore la production, c’est une grosse partie de mes journées. Avec deux employés et des saisonniers, nous préparons les sols, semons, taillons et récoltons.
- Je vends : avec Pop Fleurs, je commercialise maintenant des confettis de pétales de fleurs sur mon site en ligne pour des particuliers et des professionnels. C’est une belle alternative écologique pour des évènements.
- J’anime : construire et entretenir le réseau, le faire connaître à travers des lettres d’informations, des articles, posts sur les réseaux sociaux, des événements…
En juin, nous avons lancé la première journée de la fleur française. Nous avons eu un succès incroyable ! Plus de 100 évènements comme des chasses aux bouquets, des portes ouvertes, des ateliers, ont eu lieu en France.

Quel impact as-tu avec ton métier ?
Je suis hyper heureuse de voir que nous avons réussi à toucher un grand nombre de personnes autour de cette filière. C’était très chouette de célébrer notre métier et faire rayonner notre savoir-faire français !
Les fleurs valorisent le paysage et touchent l’économie, le social et l’environnement. Cultiver des fleurs est le relais de la biodiversité.
Quels sont les aléas du métier ?
C’est un métier de passionné. J’ai appris avec le temps à suivre mon instinct et me lancer chaque fois dans de nouveaux projets.
Le propre de l’agriculteur est l’adaptation. Il faut s’adapter aux aléas du marché, à la météo, aux invasions, aux tendances. Si le temps est trop humide ou trop sec, les récoltes en souffrent. On peut tout perdre en un orage. Il faut donc avoir les épaules et accepter le fait de lisser ses productions sur plusieurs années.
Par exemple, l’année dernière, nous avons réussi à récolter 160 000€ pour sauver les producteurs de muguet.
Quel conseil donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait faire ton métier ?
Partir à la découverte des fermes, voyager, lire, se former. Toujours avoir cette soif d’apprendre et sortir de chez soi !